Ces algues qui nous rendent belles

L’eau de mer et les algues sont depuis longtemps les alliées de notre peau. Mais depuis peu, la cosmétologie « bleue » change de focale et s’intéresse aux micro-organismes qui peuplent tous les points d’eau de notre planète.

Dans la ligne de mire des chercheurs et des marques : des algues et des micro-algues aux propriétés étonnantes. Plongée au cœur de cette nouvelle cosmétique de pointe.

Sommaire

  • Des algues et micro algues surdouées
  • Des propriétés inédites
  • Ruée vers l’or bleu
  • Quels risques pour l’environnement ?
  • Des applications d’avenir
algues

Les algues nous font belles. Source : Jupiter

Quel est le point commun entre un biocarburant actuellement testé par l’armée américaine, des savons sans huile de palme, des cookies pauvres en matières grasses et les nouvelles crèmes anti-âge de certaines marques de cosmétique ?

Réponse : tous ces produits sont des applications nées de la recherche sur des micro-algues… Des micro-organismes qui peuplent les océans, mais aussi les eaux douces de notre planète, et dont les propriétés pourraient faire des miracles pour notre bien-être et la sauvegarde de notre environnement.

Des algues et micro algues surdouées

En matière de beauté, cette « révolution bleue » est déjà en marche… et accessible dans le commerce. Phytomer, Algenist, Galénic ou encore Biotherm et Algotherm, toutes ces marques sont allées chercher sous l’eau les principes actifs de leurs derniers soins. Des crèmes pointues qui nous promettent des résultats spectaculaires, notamment dans la lutte contre les rides et le vieillissement cutané.

Mais la mer, source de beauté, est-ce là bien nouveau ? Pour Romuald Vallée, directeur scientifique de Phytomer, c’est la recherche en biotechnologies qui a tout changé : « L’histoire de Phytomer remonte à une quarantaine d’années et déjà, à l’époque, notre conviction était que l’eau de mer nous faisait du bien. Rien d’étonnant à cela : nos cellules sont entourées d’un liquide qui lui ressemble fortement. Appliquée sur la peau, on s’est vite aperçu qu’elle pouvait naturellement rééquilibrer certaines carences. En revanche, ce qui est nouveau, c’est notre volonté d’aller extraire les molécules présentes dans ce matériel vivant qu’est la mer. D’abord dans les macro-algues – celles que l’on voit à l’œil nu – et, maintenant que la technologie le permet, dans les micro-algues. »

Pourquoi les algues ? Parce que, contrairement à d’autres végétaux terrestres ou marins, elles ont démontré leur incroyable capacité à traverser les âges – ce sont les organismes qui sont apparus sur Terre juste après les bactéries – et à résister. Y compris dans des environnements extrêmes. « Ce sont les seules plantes à ne pas avoir de racine, ce qui fait qu’elles vont et viennent au gré des courants, explique Frédéric Stoeckel, président d’Algenist. Elles peuvent passer très rapidement d’un milieu à un autre : être au fond de l’océan, sans lumière, avant de se retrouver dix minutes plus tard, émergées et exposées aux UV. Leur force, à chaque fois, est d’être capables de s’adapter, de se régénérer, de se protéger et de se reproduire. » Et cela, aucun végétal sur Terre n’est capable de le faire.

Des propriétés inédites

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C’est d’ailleurs cela qui passionne les chercheurs de tous bords : ces micro-organismes ne permettent pas simplement de découvrir des principes actifs plus efficaces que ceux que l’on trouve sur la terre ferme, mais bel et bien « des molécules que la terre n’a pas réussir à construire ! » se réjouit Romuald Vallée. « Un exemple ? Il existe dans nos régions des macro-algues brunes qui vivent près des rivages. Elles sont souvent exposées en-dehors de l’eau ou très proches de la surface à marée basse. On s’est rendu compte que, lorsqu’il y a du soleil, elles bronzent ! Elles deviennent plus foncées grâce à un pigment protecteur qui absorbe les UV exactement de la même manière que la mélanine de notre peau. Pourquoi alors ne pas aller chercher dans ces algues brunes des systèmes anti-UV qui protégeraient notre peau soit en favorisant, soit en régulant notre production de mélanine ? Voilà une propriété qui n’a absolument aucun équivalent dans le milieu terrestre. »

Ruée vers l’or bleu

Autre caractéristique propre aux algues : elles sont capables, quand elles ne se laissent pas porter par les courants, d’adhérer sur des rochers ou d’autres algues. « Elles forment un film transparent fait de sucre qui leur permet de se coller et de se protéger, poursuit l’expert. Ce polysaccharide a des propriétés mécaniques étonnantes – pour combler une ride, absorber le sébum, etc. – mais aussi des vertus propres inédites. Or chaque micro-organisme marin produit ainsi un polysaccharide unique… Et il en existe des milliards ! » Les chiffres donnent le vertige : 90% de ce qui vit dans la mer est microscopique et nous n’en connaissons pour le moment qu’un centième environ !

Aujourd’hui, la recherche ressemble donc à une ruée vers l’or bleu… Et les brevets. Les propriétés de chaque micro-organisme marin étudié sont répertoriées, enregistrées et déposées, les plus intéressantes donnant lieu à des soins nouvelle génération. Algenist a ainsi déposé son « acide alguronique » et Phytomer, l’exopolysaccharide XMF (pour Extra Marine Filler, combleur de rides marin) à l’origine de sa dernière crème anti-âge Pionnère XMF… « Nous avons étudié une vingtaine de polysaccharides et nous n’en utilisons que trois ou quatre actuellement, détaille Romuald Vallée. Mais nous constituons une glycothèque, au sens d’une bibliothèque de sucres ».  Un réservoir d’actifs marins de pointe… et potentiellement, un répertoire infini d’innovations cosmétiques !

Quels risques pour l’environnement ?

Mais cet engouement est-il sain ? Ne risque-t-on pas de piller purement et simplement les océans et les eaux douces de notre planète ? De nous approprier le vivant ? De le saccager comme on le fait depuis des années des forêts ? « C’est certain, il ne faut pas que l’on fasse les mêmes bêtises que sur Terre, met en garde Romuald Vallée. Mais l’avantage, c’est qu’il existe aujourd’hui beaucoup plus de règles sur la maîtrise du milieu marin qu’il y en avait, 20 ans plus tôt, sur le milieu terrestre. »

Surtout, les avancées biotechnologiques permettent aujourd’hui de cultiver les algues et les micro-organismes marins en-dehors de la mer, dans des réacteurs. « On prélève une seule fois la micro-algue dans son environnement, on l’étudie et on fait en sorte qu’elle se reproduise toute seule, dans un réacteur où l’on a reconstitué ses conditions naturelles, poursuit le directeur scientifique. Ainsi, l’impact que l’on fait subir à l’écosystème est nettement moins fort qu’avec des récoltes. »

Des applications d’avenir

Mais en matière d’écologie, ce sont surtout les applications possibles de ces micro-algues qui sont prometteuses. Et sur ce point, tous les experts s’accordent à reconnaître que les espoirs vont bien au-delà de la cosmétique : dans le domaine des énergies renouvelables, mais aussi en santé, nutrition, agriculture… C’est ainsi que Phytomer imagine déjà décliner, grâce à de futurs partenaires, ses découvertes sur l’EPS-XMF en vue d’un produit phytosanitaire, une biocolle qui permettrait de diminuer le recours aux pesticides.

Algenist, elle, est presque née « par hasard », au cœur de la Silicon Valley, dans une entreprise de biotechnologies, Solazyme. Loin, très loin, de l’univers de la beauté. « La vocation de Solazyme est de produire du biocarburant, précise Frédéric Stoeckel. Pourquoi la cosmétique ? Parce que les tests que nous avons effectués ont montré une telle efficacité en termes de régénération cellulaire, de synthèse d’élastine, de protection anti-UV, entre autres, que cela nous a convaincus de lancer notre propre marque de cosmétiques : Algenist, « le génie des algues ». Mais le cœur de notre métier, ce sont bien les huiles renouvelables à partir de micro-algues. Nous développons aujourd’hui des substituts à l’huile de palme dont l’exploitation ravage les forêts du monde, ainsi que des farines de micro-algues, extrêmement intéressantes sur le plan nutritionnel pour réduire la quantité de matière grasse de nombreux aliments. »

L’avenir de la planète et de notre beauté serait-il dans les micro-algues ? Pour les experts, une chose est sûre : on commence tout juste à entrevoir le potentiel de ces micro-organismes marins.

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